Quand le film que l'on voit n'est pas celui que l'on entend

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Attention, cette vidéo comporte des images susceptibles de heurter les plus sensibles. Regardez-la en votre âme et conscience.

Je vais également spoiler les films suivants : The Shining, Funny Games, Angst et The Zone of Interest. Donc je vous encourage à les voir avant de regarder cette vidéo.

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Il y’a le film que l’on voit et celui qu’on entend.

Dans la scène d'ouverture du Shining de Stanley Kubrick, le Dies Irae est interprété au Moog par Wendy Carlos et Rachel Elkind, une façon pour le réalisateur de condamner son personnage principal à un destin tragique.

Le Dies Irae est un chant liturgique qui évoque le jugement dernier. Il a notamment été repris par Berlioz dans sa Symphonie Fantastique, où un jeune musicien tombe éperdument amoureux d'une femme qui n'existe pas. Troublé par ces visions, il finira par s'empoisonner et tuer cette femme dans un long cauchemar.

À la fin du livre de Stephen King, Jack, pris d’un éclair de lucidité ,sauve sa famille, dans le film en revanche, pas de rédemption pour Jack, et le mal continue de planer dans les couloirs de l'hôtel.

Dans Funny Games, de Michael Haneke, une famille se rend dans sa maison de vacances et se fait sauvagement assassiner par Paul et Peter, deux jeunes qui ont frappé à la porte. Dans la première scène, on les voit dans leur voiture écouter de la musique classique, quand subitement, un morceau brutal de Naked City, le groupe de John Zorn, est balancé aux oreilles du spectateur. En brisant ainsi la diégèse du film, le réalisateur nous place en tant que complices des événements qui vont avoir lieu, et il continuera à s'adresser à nous tout au long du film pour mieux questionner notre rapport voyeuriste à la violence.

Dans Angst, de Gerald Kargl, on épouse cette fois le point de vue de K, un psychopathe récemment sorti de prison, qui cherche par tous les moyens à assouvir de nouveau ses pulsions. Tout au long du film, on entend le monologue intérieur de K accompagné d'une musique planante de Klaus Schulze, du groupe Tangerine Dream, qui, pendant qu’il commet ses actes, nous fait part de ses souvenirs traumatiques et de ses pulsions. Cette dissonance nous permet d’expérimenter sa schizophrénie, car le monde dans lequel il vit nous est alors rendu perceptible, et questionne le spectateur sur la nature du mal.

Enfin, dans The Zone of Interest de Jonathan Glazer sorti en 2023, on démarre par un écran noir de trois minutes accompagné d'un morceau de Mica Levi intitulé « Ears First », comme pour nous inviter à prêter attention à ce que l'on entend. Dans le film, on suit le quotidien de Rudolf Höss, commandant du camp de concentration d'Auschwitz, qui vit avec sa famille dans une maison située aux abords du complexe. Entre repas de famille et séances de jardinage, ils construisent leur petit coin de paradis comme une famille de classe moyenne quelconque de cette époque. À aucun moment l’intérieur du camp n’est montré, mais on entend un bruit de fond continu tout au long du film, celui des chambres à gaz qui tournent à plein régime, du sifflement des trains remplis de déportés qui s’approchent du terminus, de l’horreur sous sa forme la plus pure qui a lieu au fond du jardin.

Un troisième récit va alors émerger, celui de l’imaginaire du spectateur qui va donner un sens à ce qu’il voit dès lors qu’il prend conscience de ce qu’il entend.

C’est un film qui nous renvoie à notre propre humanité et à notre capacité à nous accommoder du pire, du moment qu’il n’a pas lieu sous nos yeux, et nous force à entendre un hors-champ insoutenable.

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CHAPITRES :
00:00 - Préambule
00:19 - Le Dies Irae dans Shining, vers une tragédie inévitable
02:30 - Funny Games, la violence dans tous ses méta
07:55 - Angst, un film schizophrène
10:42 - The Zone of Interest, les oreilles d'abord

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Une vidéo réalisée par François Brétéché


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