En 1518 à Strasbourg, en plein milieu de la rue, une femme se met à danser frénétiquement, sans raison apparente. Les heures passent, puis les jours passent, et rien ne semble arrêter sa transe. Peu à peu, les curieux qui s’étaient arrêtés pour observer le spectacle se mettent alors eux aussi à bouger de manière incontrôlable et finissent par se joindre à elle. En un mois, plus de 400 personnes dansent sans s’arrêter. On décide alors de les enfermer pour limiter la contagion, et au bout de 6 semaines, le phénomène finit par s’essouffler, sans véritable explication. Pour l’écrivain Jean Teulé, c’est le désespoir qui à poussé ces gens à danser jusqu’à en mourir, comme seule échappatoire à une existence dénuée de sens; et près de 5 siècles plus tard, le phénomène va frapper à nouveau, mais cette fois, au Royaume-Uni, le temps d’un été qui durera en fait une année, et qu’on appellera le « Second Summer of Love ».
En 1988, Margareth Thatcher mène depuis dix ans une politique d’austérité qui dessert considérablement les classes populaires. À Manchester, une scène musicale à émergé, grâce des groupes comme Joy Division puis New Order ou encore les Smiths et à la création du label Factory Records par Tony Wilson que la ville sera rebaptisée Madchester, tant le bouillonnement culturel y est important. En 82, Factory Records va ouvrir son propre club, l’Hacienda, un temple de la musique, et qui sera l’un des tous premiers lieux à diffuser de la musique house en Europe.
En parallèle, 3 DJs anglais venus passer leur vacances à Ibiza en 87 décident en rentrant au pays d’organiser des événements inspirés de ce qu’ils ont vécu là-bas. Les soirées Shoom dans les clubs de Londres prennent rapidement, et des centaines de personnes se rassemblent pour danser au son de cette nouvelle musique qu’on appelle l’acid house. Et ils dansent beaucoup d’ailleurs, car il y'a quelque chose qui a joué un rôle déterminant dans le succès de ces soirées, c’est l’ecstasy, MDMA de son nom scientifique, qui va déferler sur l’Europe au milieu des années 80. Avec l’explosion de cette drogue, les fêtards ne boivent plus que de l’eau, et on observe lors de cet été 88, une chute drastique des agressions et incidents liés à l’alcool. La sensation de bonheur qu'elle provoque semble rendre les gens plus tolérants, et même les bandes rivales de hooligans se retrouvent à danser ensemble à ces soirées, qui se répandent desormais dans les campagnes.
Les planètes sont alignées, tout le monde est heureux, et on semble assister à un nouveau Summer of Love, avec cette fois comme emblème un smiley jaune que vous connaissez forcément. Mais le mouvement a fini par attirer l’attention des médias et provoquer une véritable panique morale, et la perspective d’une révolte de la jeuness effraie le gouvernement, qui va intensifier la répression, et empêcher les jeunes de s’amuser. En 94, le parlement ira même jusqu’à faire adopter une loi visant à interdire les raves parties, et en 2002 à Manchester, l’Haçienda est démolie.
Depuis, le capitalisme est parvenu à s’immiscer jusque dans les espaces les plus intimes de nos vies comme de nos fêtes. A l’ère de la post-ironie, la musique électronique se retrouve alors privée de contexte, dépossédée de sa portée politique et sociale. A tel point que la possibilité qu’advienne un jour un nouveau Summer of Love semble définitivement éteinte. Pour le philosophe Mark Fisher, la mélancolie liée à cette perte d’un futur qu’on tenait pour acquis et qui a disparu s'appelle «Hantologie», et on peut en retrouver les traces dans la musique d’artistes comme Burial, Boards of canada, ou encore the Caretaker. Une musique qui semble émaner d’un dancefloor lointain, sur lequel les fantômes du passé dansent sans s’arrêter.
_______________________________________________________________________________________________
CHAPITRES :
00:00 - L'épidémie dansante de 1518
01:18 - Madchester
02:11 - Les premières soirées Balearic
02:35 - L'acid house
03:38 - L'ecstasy
05:00 - Le Second Summer of Love
06:00 - La fête est finie
07:18 - Les fantômes du passé
________________________________________________________________________________________________
Une vidéo réalisée par François Brétéché
________________________________________________________________________________________________
▶ Monte le Son est une chaîne YouTube soutenue par Thomann, le leader de la vente de matériel de musique en Europe. A travers cette chaîne, Thomann souhaite rassembler des créateurs passionnés et leur donner les moyens de parler de musique au plus grand nombre.
Suivre Monte le Son :
INSTAGRAM :
TIKTOK :
TWITCH :
TWITTER/X :
Suivre Thomann :
MAGASIN EN LIGNE :
FACEBOOK :
INSTAGRAM :