
Sans doute, pourtant, sans le paravent grand écran que lui offraient David et Stéphane Foenkinos, Emilie n'aurait peut-être jamais osé dévoiler ces chansons d'amour ultrasensibles qu'elle prenait pourtant soin d'habiller avec la grâce habituelle qui fait son style. Il fallait bien toute l'adresse d'une funambule des mots et des sons pour parvenir à maintenir cet équilibre ô combien fragile entre l'autobiographie et le romanesque, confronter des émotions à vif et des situations étrangères incarnées par des personnages àl'écran. En choisissant d'en appeler à l'imaginaire des contes de fées, avec chevaliers et princesses comme emportés dans un tourbillon céleste où la mort n'est qu'une péripétie terrestre qui n'entrave en rien la profondeur et la solidité des liens, elle est parvenue à adoucir l'aspect le plus anguleux de son projet de départ. En disposant son histoire en abyme à celle d'un autre, au croisement de l'art et de la vraie vie, elle se livre paradoxalement comme jamais auparavant.
Au départ, Franky Knight était une sorte de journal intime musical qu'Emilie Simon n'avait pas encore décidé de rendre public. Lorsqu'il la contacte l'hiver dernier pour lui proposer d'écrire la musique de son film, l'adaptation de son best-seller La Délicatesse qu'il réalise avec son frère Stéphane, David Foenkinos ignore tout des troublants parallèles entre son scénario et certaines chansons déjà en cours d'écriture. Il ne sait pas encore que cette histoire de disparition brutale d'un être aimé - celle du livre et du scénario - n'a rien d'une fiction pour Emilie, elle qui vient d'en être frappée en plein cœur. La résonance de cette coïncidence pour le moins étrange la conduit à accepter d'entrelacer les deux projets.